Objectif zéro-sale-con (Robert Sutton)

1. Qu’est-ce que vous faites pour améliorer la performance de votre entreprise ?

Énormément d’efforts : des produits renouvelés, des services en plus, des livraisons plus rapides, des prix plus serrés, une réputation d’excellence, une qualité supérieure, des coûts réduits, des budgets maîtrisés, une réactivité accrue, une adaptation permanente, une innovation démultipliée, une information plus fluide, une structure allégée, une gestion plus fine, des systèmes mieux intégrés, zéro stock, juste à temps, zéro défaut, six sigma, « good to great ».

Les « fortes personnalités » et les personnages caractériels forment souvent le quotidien de la vie professionnelle. Ils font l’objet d’une analyse affinée de Robert Sutton, professeur de management à l’université de Stanford (Californie). Cet analyse iconoclaste et pourtant très sérieuse, a eu un retentissement immédiat, qui a montré que le phénomène était bien plus répandu que Sutton ne l’imaginait. Contrairement à d’autres études sur la violence psychologique, il s’adresse directement aux managers. Il leur montre et démontre les coûts cachés de comportements injustifiables, que trop souvent les dirigeants tolèrent, en imaginant que la « star » odieuse (le vendeur star, le créatif-star, le manager-star) contribue énormément à l’entreprise.

2. Qu’est-ce qu’un sale-con ?

Sale-con : désigne quelqu’un qui nous irrite, se met en travers de notre chemin ou qui réussit mieux que nous. Il nous manifeste un comportement hostile, verbal et non-verbal
Premier critère : après avoir parlé à cette personne, la « cible » se sent-elle agressée, humiliée, démoralisée ou rabaissée.
Deuxième critère : la personne en question s’attaque-t-elle, de préférence aux « petits » plutôt qu’aux plus puissants.
Au UK, une enquête dans le secteur de la santé, révèle que 36% des 5000 personnes interrogées se déclarent victimes d’une hostilité permanente de la part de leur entourage. Les médecins sont le plus souvent les auteurs de ces mauvais traitements, mais ils viennent aussi des patients, de leurs familles, de leurs collègues et de leurs chefs. En bref, le sale-con est plutôt de sexe masculin, mais il y a aussi des quantités de femmes.

2.1. Les douze comportements quotidiens du « sale-con »

1. Lancer des Insultes personnelles.
2. Envahir l’espace personnel d’autrui.
3. Imposer des contacts physiques importuns.
4. Proférer des menaces et pratiquer des formes d’intimidation verbales et non verbales.
5. Dissimuler sous des plaisanteries sarcastiques et des prétendues « taquineries » des propos vexatoires.
6. Envoyer des e-mails incendiaires.
7. Critiquer le statut social ou professionnel.
8. Humilier par des remontrances publiques
9. Couper grossièrement la parole.
10. Porter des attaques hypocrites.
11. Jeter des regards mauvais.
12. Traiter les gens comme s’ils étaient invisibles.

2.2. « Plus vous réussissez, plus vous avez le droit de vous comporter comme une enflure ».

Se conduire comme une enflure « standard » peut apporter un certain prestige et quelques avantages
Une règle de notre société est, semble-t-il, que si vous réussissez de manière exceptionnelle, alors vous pouvez vous permettre d’être un sale con exceptionnel.
Le fait d’être un sale-con est un désavantage dans la plupart des cas, la méchanceté et le manque de maitrise de soi étant considérés comme des défauts graves, mais tout cela est toléré lorsque les individus sont plus doués, plus intelligents, plus difficiles à remplacer, quand ils réussissent mieux que le commun des mortels.
L’utilisation stratégique de la colère froide, des éclats de voix, des expressions hargneuses, le regard fixé droit devant ou des gesticulations (taper du poing) créent le sentiment que celui qui l’exprime est compétent.
En outre, la créativité est indissociable de l’excentricité et adoptent délibérément des postures loufoques ou arrogantes, cultivant soigneusement leur « spécificité ».

2.3. Sales-cons certifiés et sales-cons occasionnels

Contrairement aux certifiés permanents, les sales-cons occasionnels sont immédiatement contrés : ils comprennent très vite, font des excuses et des efforts pour changer.

2.4. Attention : pas de jugement hâtif :

Le porc-épic au cœur d’or existe ; il faut seulement prendre le temps de le connaître.

2.5. La loi de l’omerta

En dépit des coûts qu’il peut générer (contentieux, absentéisme, arrêts de travail…), le sujet est encore rarement abordé de front dans le monde du travail. En effet, le syndrome du « petit chef » qui pourrît la vie est loin d’être nouveau, mais il est beaucoup plus présent qu’avant. D’abord, parce que les hiérarchies ont tendance à disparaître, et parce que l’autorité est de moins en moins tolérée. Il faut être exemplaire et légitime pour s’imposer. Ensuite, les exigences de résultats à court terme, beaucoup plus fortes qu’auparavant, entraînent des dérapages.

3. Les illusions du sale-con

1. Votre entreprise et vous-même êtes performants en dépit et non à cause de votre comportement. Vous commettez l’erreur d’attribuer le succès aux vertus de vos agissements, alors qu’en réalité ils compromettent la performance.
2. Vous confondez le succès de vos manœuvres pour vous emparer du pouvoir et la réussite de l’entreprise. Les postures qui permettent d’obtenir du pouvoir sont différentes – souvent à l’opposé – des postures requises pour être performant dans son travail.
3. Il y a des mauvaises nouvelles, mais personne ne veut être puni pour les nouvelles qu’il apporte; les gens ont peur de vous donner de mauvaises nouvelles, par crainte d’en être tenus pour responsables et d’être humiliés. Vous pensez donc que tout va bien, alors que les problèmes s’accumulent.
4· Les gens font du cinéma en votre présence. La peur les pousse à faire semblant lorsque vous les regardez. Dès que vous partez, ils reprennent un comportement moins efficace ou carrément destructeur – que vous ne voyez pas.
5. Les gens travaillent davantage pour éviter vos foudres que pour l’intérêt de l’entreprise. Les salariés capables de survivre à votre style de management consacrent toute leur énergie à éviter votre colère plutôt qu’à résoudre des problèmes.
6. Vous payez la « prime du sale con» mais vous ne le savez pas. Vous êtes tellement imbuvable que les gens acceptent de travailler pour vous et pour votre entreprise à la seule condition d’en tirer un bénéfice.
7· Vos ennemis ne disent rien (pour l’instant) mais la liste continue de s’allonger. Vos agissements vous aliènent tous les jours davantage de gens et vous ne vous en apercevez même pas. Vos ennemis n’ont pas le pouvoir de vous abattre aujourd’hui, mais ils guettent le moment où ils pourront le faire.

4. Comment devient-on un sale-con ?

Ce qui contribue souvent à transformer des personnes ordinaires en despotes est l’organisation même du travail ordinaire. Pour Sutton, il est possible de créer « un environnement de travail civilisé » conduisant à l’épanouissement et à la créativité, où les despotes dépérissent.
La « tolérance zéro sales cons » ne relève pas seulement de l’éthique mais également du calcul économique. Cependant, confrontées à la concurrence et à la recherche impérieuse de résultats, les entreprises ont quêté de façon effrénée des patrons charismatiques et des personnalités, ce qui suscite souvent l’émergence de personnalités caractérielles, dont la préoccupation majeure est leur visibilité extérieure.
4.1. Tout le monde peut devenir un sale-con ?
N’accordez pas une importance excessive à la personnalité : tout le monde peut-être contaminé par le virus.
Toute parcelle de pouvoir, même minuscule, même dérisoire, peut modifier la façon de penser et d’agir des gens –le plus souvent dans le mauvais sens. (Cf Etudes de D. H. Gruenfeld)
Lorsque les groupes travaillent par email ou par téléphone plutôt que par contacts direct les conflits sont plus fréquents et la confiance moindre.

5. Les ravages des sales-cons.

La méchanceté a un impact sur l’humeur cinq fois plus que la gentillesse (page 28).
En particulier dans la traque aux dysfonctionnements : pour Edwards Deming, « lorsque la peur pointe son vilain nez, les gens s’efforcent de se protéger, pas d’aider leur entreprise. »
5.1. Attention à la reproduction « homosociale »
Ne laissez pas les sales-cons participer au recrutement. Ils se reproduisent comme des lapins.
5.2. Facteurs à prendre en compte pour estimer le Cout Total des Sales Cons »
Être désagréable, colérique, mesquin, pervers est déjà un mal en soi. De surcroît, ce comportement s’affiche comme un désavantage compétitif
R. Sutton propose de déterminer dans les organisations le coût économique des comportements des despotes en établissant le Coût Total des Sales Cons (CTSC). La réduction de ce coût d’une manière volontariste est censée conduire directement à l’amélioration de la performance.

Fiche de lecture réalisée par Gérard Labonne.

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